En tant que musicien et étudiant de Shiatsu, cette réflexion a été nourrie par la Journée Art du geste « Le souffle, le rythme et la musique dans le Shiatsu » par Bernard Bouheret et Olivier Monteils.
Le rythme
A la base il y a le rythme, cet ingrédient primordial qui ancre une régularité cyclique sur laquelle on se base pour être en communion entre musiciens, avec l’audience. Les fréquences répétitives générées par le rythme influent directement sur notre énergie, notre état d’esprit, notre humeur, notre motivation, notre corps, …
Les 2 signatures rythmiques les plus répandues sont le rythme binaire et le rythme ternaire.
Le rythme binaire divise le temps en 4: on marque la mesure en frappant des mains en comptant 1, 2, 3, 4 entre 2 battements, et ainsi de suite. Il est utilisé dans la plupart des musiques modernes: classique, rock, pop, folk, hard rock, techno, chansons française, K-Pop, variétés… La sensation est très ‘carré’, la tête bouge toute seule. C’est symétrique, on reste confortable dans notre monde bien connu.
Le rythme ternaire divise le temps en 3: on marque la mesure en frappant dans les mains en comptant 1, 2, 3 entre 2 battements, et ainsi de suite. Il est utilisé dans les traditions des peuples du monde: Cubains, Africains, Gnawa, Musique orientale, Mauriciens, … Il est profondément ancré dans la terre et traverse les âges. Le corps tout entier bouge tout seul.
Écoutons maintenant le rythme qui nous appartient, celui du coeur: toup toup … toup toup … toup toup …
On reconnaît là la signature ternaire.
Conserver le rythme régulier crée une onde dans laquelle on peut s’inscrire et lâcher prise.
Disons le franchement: cette signature engendre l’état de transe!
Cet état d’être où l’on se détache du cadre, on relâche le contrôle de soi, on lâche prise et on libère nos mouvements énergétiques interieurs. Un état où la personne peut atteindre une certaine guérison de l’esprit.
Après cette prise de conscience des effets du rythme sur notre corps/esprit c’est à nous de choisir ce que nous voulons induire comme sensations sur les autres.
Les percussions
Les mains frappent sur les peaux tendues des tamtams. La caisse de résonnance reçoit, amplifie et propage la frequence. La vibration produit son effet. Plus on est relaché plus on va pouvoir émettre des vibrations claires et raffinées, choisies pour leur raffinement et leurs effets.
Application au Shiatsu: En apprenant le geste de percussion du poing sur la main à plat sur le dos de Bernard Bouheret, je reconnais immédiatement le ternaire. En tant que percussionniste je pense que l’on peut appliquer les mouvements spécifiques des mains pour faire vibrer les peaux comme la bascule de la conga ou encore utiliser les clés du kata.
Le mouvement de la bascule sur la Conga.
Le chant
Chanter c’est faire rayonner son coeur, pour un vibrant partage d’émotions.
La voix est l’instrument le plus riche, le plus intuitif, elle est directement branchée sur la fréquence du coeur et le rythme de la respiration. La voix est unique à chaque personne, elle change selon son état d’être, sa santé, son émotion, sa technique, son age…
Les working songs
Ce sont des chansons créés et utilisées pour le travail. Les tâches répétitives sont grandement facilitées en adoptant un rythme régulier. Le travail devient alors plus fluide et beaucoup moins pénible, le mental se détache et le temps passe plus vite. Les gestes s’harmonisent avec les chants et la motivation monte d’un cran.
- les femmes africaines pilent le mil en rythme et chanson
- les 7 nains chantent en travaillant dans leur mines
- les marins hissent les voiles avec leur célèbre Hooo hisse !
- les pêcheurs sénégalais sortent leur filet chargé de tonnes de poissons en chantant
- les cultivateurs qui chantent et dansent en rythme (vidéo)
Application au Shiatsu: Il s’agit d’insuffler un mouvement rythmé dans sa séance de Shiatsu. Comme dans une oeuvre musicale: une introduction, des parties contrastées entre lenteur ou rapidité, le point d’orgue, une conclusion… Relâchements, surprise, régulier, fluidique… Pourquoi ne pas chanter comme le fait bien Bernard Bouheret, c’est une très belle pratique qui fait rayonner la joie.
La danse, le mouvement
Jouer et chanter en dansant. L’énergie dégagée est plus puissante, plus fluide, plus libre. Avec la regularité la concentration devient naturelle on se laisse porter par le rythme et le mental lâche les mouvements deviennent fluides.
Application au Shiatsu: Nous travaillons avec le corps, il s’agit de faire et non de réfléchir. Les vibrations provoquent le relachement: Kembiki, balancements, secousses, frottements, percussions, tremblements,…
Le tempo et la clave
Jouer en vitesse rapide est confortable, il se passe toujours quelque chose, il n’y a pas de flottements, le mental est rempli, il n’y a pas de vide, les points de repéres sont bien présents. En revanche, jouer lentement est plus beaucoup difficile, tout le travail est interne, il faut être stable, garder son équilibre, rester profondément ancré, présent, attentif, confiant et extrêmement sûr de soi… et oui: bien respirer!
Prenez l’instrument que l’on appelle la « clave ». Notre première réaction est de se dire: « ah mais attends ces 2 petits bouts de bois qu’on tapes l’un sur l’autre: trop facile! ». GRAVE ERREUR CHERS AMIS!!! Derrière l’apparente simplicité de cet instrument et des rythmes qui lui appartiennent, se cache un exercice sacrément robuste!
Toute la musique cubaine se base sur le rythme de ces « petits bouts de bois ». Lorsque vous jouez cet instrument, vous êtes la fondation, la base, l’origine de tous les mouvements, le centre de l’attention de tous les musiciens, les danseurs, le public, tout le monde construit sur vous! Si tu flanches, tout le monde flanche ! Alors? Pas si simple n’est-ce pas? Il faut avoir un engagement sans faille, le coeur sacrément accroché, les épaules solides et un équilibre imprenable pour tenir ce rôle.
La clave
Application au Shiatsu: Comme en musique, cela demande d’être très stable, centré, à l’écoute, pour pouvoir communiquer, réagir, improviser, rebondir, s’adapter… Varier les vitesses, alterner entre rythme plein, rythme vide, calme et action, le tout guidé par la respiration. En prenant soin de nous, nous servons alors de ‘modèle’ sur lequel les receveurs peuvent s’appuyer.
Le silence
La véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu’encadrer ce silence.
– Miles Davis
En d’autres termes: La musique c’est savoir jouer avec le silence. C’est le silence qui donne du relief, de la vie. Lorsque le musicien rempli tout avec un maximum de notes, certes ça peut être impressionnant virtuosité mais cela reste une prouesse technique, le mental est complètement assailli, la sensation est trop dense, on suffoque, point de place à la respiration, point de repos, et enfin point de raffinement emotionel. C’est l’embrouille.
En Shiatsu nous pouvons utiliser le silence comme transition entre 2 travail, 2 positions… pour donner de la place à l’assimilation, laisser l’energie couler, souffler, reprendre ses esprits, laisser respirer…
L’improvisation
Travailler d’abord la technique avec rigueur, puis répéter, répéter, répéter, puis le mental lâche, le travail devient interne, on pratique les mêmes mouvements mais avec une attention portée à l’intérieur de nous même pour travailler le centrage, l’économie l’alignement, le souffle… Lorsque l’on maîtrise ses gammes on peut improviser. Improviser c’est être prêt maintenant, rebondir sur l’imprévisible, faire de son mieux avec ce que l’on est, répondre dans la justesse, créer de belles mélodies même avec des ‘fausses notes’…
Le point d’orgue
A l’opposé du silence nous pouvons appuyer, insister sur une note particulière, la jouer plus forte, plus longuement, la répéter, … l’impression est forte, saisissante et le retour au calme est bienvenu. Cela peut annoncer une transition ou marquer la fin d’un travail.
Le souffle
Mes receveurs me disent parfois que le ressenti est maximal quand on respire à 2, quand les souffles sont harmonisés. Une communion s’installe. Cela devient une méditation à 2, un mouvement interne à 2. Si je suis attentif je peux entendre le rythme de l’autre. Comme dans une danse, on peut mener et guider vers l’harmonie.
Pratiquer avec harmonie insuffle l’harmonie.
Merci c’est inspirant 🙋
Super boulot!